Il y a 73 ans, le 13 septembre 1945, les autorités françaises adoptaient une législation liberticide à l’origine de la disparition de la presse mosellane et alsacienne en langue allemande puis de la presse bilingue.
En vertu de l’article 11 de l’ordonnance n° 45.2113 du 13 septembre 1945, aucune publication ne pouvait paraître intégralement en allemand dans les départements d’Alsace et de la Moselle, 25% des textes de tous les périodiques bilingues devaient être en français. Les rubriques sportives et celles destinées à la jeunesse devaient obligatoirement être en français pour détourner les jeunes de la lecture en allemand. L’emploi de l’allemand était interdit dans toutes les publications spécifiquement destinées à la jeunesse. Dans l’ensemble de la presse, sans distinction de public, cette prohibition concernait les pages sportives, les publicités, les titres officiels des personnalités ou des grands commis de l’État. Voilà le traitement imposé à nos parents, grands-parents ou arrières-grand parents dont beaucoup ne parlaient pas français (rappelons que 17 ans plus tard, en 1962, d’après les chiffres du recensement officiel, le pourcentages de personnes ne sachant pas parler français était encore de 29 % dans l’arrondissement de Sarreguemines, 19 % dans celui de Sarrebourg, 17 % dans celui de Forbach et 14 % dans celui de Château-Salins).
Jusqu’à la veille de la seconde guerre mondiale, la presse mosellane comportait de nombreux journaux et publications entièrement en allemand ou bilingues.
Dans la presse en allemand, on trouvait notamment les quotidiens « Metzer freies Journal » , « Lothringer Volkszeitung », « Forbacher Bürger-Zeitung » , « Merletaler Kurier – General-Anzeiger für Freyming, Merlebach, L’Hôpital und Umgegend », l’hebdomadaire « Metzer katholisches Volksblatt » et les mensuels « Stimmen aus Lothringen », « Katholische Action », «Lothringer Land – Zeitschrift für lothringische Landwirtschaft und Gartenbau », « Der Kumpel, Organ des Lothringischen Bergarbeiterverbandes (CGT)“ . La presse bilingue comptait des titres comme les quotidiens « Le Courrier de la Sarre – Organ der Republikanischen Volkspartei Lothringens (Union républicaine lorraine) » ou « L’Humanité d’Alsace et de Lorraine – organe du Parti communiste français », les hebdomadaires « Le frontalier /Grenzland », « L’Impartial de Sarrebourg / Der Unparteiische », « Lothringer Volksfreund / L’Écho de la Moselle », et « Saarburger Zeitungunabhändiges Volksblatt für die Kreise Saarburg und Château-Salins »)
Alors que tous ces journaux ont cessé de paraître au début de la guerre et ne se sont donc pas compromis avec l’occupant nazi , aucune publication en allemand n‘ a été autorisée à reparaître après 1945. Seuls deux quotidiens bilingues mosellans ont pu paraître avec les restrictions précitées: France Journal, l’édition bilingue du Républicain Lorrain, et le Courrier de L’Est (disparu dans les années 60 après son rachat par le RepLo). En 1947, les deux éditions mosellanes des DNA ( Sarrebourg et Moselle-Est) ont même été obligées de passer à 40 % de texte en français.
Il s’agit d’une grave atteinte à la liberté de la presse indigne d’un pays qui se prétendait la patrie des droits de l’homme et qui n’a pas hésité à infliger ce traitement aux Alsaciens-Mosellans qui sortaient de près de 5 années de dictature nazi . Cette législation liberticide, cautionnée par une grande partie de la classe politique mosellane, ne fut abrogée qu’en 1985 ! En 1989, paraissait le dernier numéro de France Journal. Les ingrats du Républicain Lorrain (qui depuis sa création en 1919 – sous le titre Metzer freies Journal – jusqu à 1936 ne comportait que des éditions en allemand et a donc bâti son succès sur un lectorat germanophone durant ses 15 premières années) a titré en première page de ce dernier numéro : « Mission accomplie » . La mission étant de faire disparaître la presse quotidienne bilingue et tout un pan de la culture de la Moselle.
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