L’académie de Nancy-Metz a signé le 16 juillet 2019 une convention-cadre « Plurilinguisme et transfrontalier » avec la Région Grand Est, l’Université de Lorraine et les départements de Meurthe-et-Moselle, de Meuse et des Vosges. Le département de la Moselle n’en est pas signataire bien que la Moselle soit incluse dans le champ d’application territoriale de la convention, ce qui permet légitimement de conclure qu’aucune convention spécifique n’est envisagée
Une définition tronquée de la langue
Cette convention met sur le même plan la Moselle et les autres départements lorrains en matière d’enseignement de l’allemand et du luxembourgeois. Elle nie une réalité incontestable : la Moselle germanophone fait partie intégrante depuis près de 2000 ans de l’espace germanophone et l’allemand standard y a été depuis quelque 500 ans l’expression écrite de la langue populaire : langue des actes officiels jusqu’en 1748 voire 1793 dans certaines zones, langue quasi exclusive de l’école jusque vers 1850, langue des églises et langue de la littérature avec Wolfgang Musculus (Dieuze), Johann Nikolaus Weislinger (Puttelange), Johann Salzmann (Sarralbe) et bien entendu deux grands noms de la littérature allemande : Johann Fischart et Johann Michael Moscherosch, qui furent respectivement baillis de Forbach et de Créhange puis Fénétrange. Il est évident qu’une langue ne s’enseigne pas dans le même esprit quand elle est langue historique et régionale et imprègne l’environnement immédiat, comme c’est le cas de l’allemand et du luxembourgeois en Moselle, et quand il s’agit d’une langue étrangère, comme dans la Meuse ou les Vosges. L’Académie de Nancy-Metz et le Grand-Est réussissent pourtant ce tour de force.
La langue régionale d’Alsace et de Moselle a été clairement définie dans divers textes publiés au Bulletin Officiel de l’Education Nationale : « La langue régionale existe en Alsace et en Moselle sous deux formes : les dialectes alémaniques et franciques parlés en Alsace et en Moselle, dialectes de l’allemand, d’une part, l’allemand standard d’autre part. L’allemand présente, en effet, du point de vue éducatif, la triple vertu d’être à la fois l’expression écrite et la langue de référence des dialectes régionaux, la langue des pays les plus voisins et une grande langue de diffusion européenne et internationale », « l’allemand standard est la langue de référence de tous les dialectes de l’espace considéré (à l’exception du luxembourgeois) » . Cette définition sous-tend logiquement la « convention-cadre portant sur la politique régionale plurilingue en Alsace 2015-2030 » applicable dans l’académie de Strasbourg. Celle-ci insiste sur l’enseignement de et en allemand en tant que langue régionale, le lien entre allemand standard et dialectes alsaciens et sur le fait que cet enseignement s’inscrit dans un contexte culturel et historique régional spécifique tout en étant ouvert sur l’espace rhénan. Dans la nouvelle convention de l’Académie Nancy-Metz, l’allemand et le luxembourgeois ne sont en revanche appréhendés que comme « langues du voisin » donc étrangères (une contre-vérité dans le cas de la Moselle) et sans lien avec le contexte culturel et historique local.
Des modalités d’enseignement inadaptées et sans ambition
Si l’Académie Nancy-Metz défend un enseignement linguistique généralement réduit à 3h ou 6 h qu’elle justifie par ses propres évaluations sujettes à caution, puisque non étayées par des études indépendantes, les spécialistes reconnus de la psycholinguistique, tels que le professeur Jean PETIT et Gilbert DALGALIAN, ont indiqué que la parité horaire tout au long de la scolarité était le minimum nécessaire pour l’acquisition d’un bilinguisme équilibré en fin de scolarité et ont plaidé pour l’application de ce système en Moselle. Or, Il n’est nullement question de bilinguisme à parité horaire dans cette nouvelle convention-cadre à la différence de celle applicable dans l’académie de Strasbourg. La convention-cadre de l’académie de Strasbourg se fixe notamment l’ambition d’atteindre, à l’horizon 2030, 50% d’inscription en section de langue régionale à parité horaire parmi les élèves inscrits en maternelle et de généraliser l’offre périscolaire ou extrascolaire en langue régionale à tous les pôles bilingues.
Le bon sens commandait donc soit de faire un avenant à la convention applicable l’académie de Strasbourg soit d’adopter une convention ad hoc pour la Moselle selon deux principes : un enseignement de l’allemand et du luxembourgeois standards en tant que langues régionales en lien avec leurs variantes dialectales et la priorité donné à l’enseignement bilingue à parité horaire, à défaut de pouvoir aller légalement au-delà. Il n’est pas question de dénier au reste de l’académie de Nancy-Metz les bénéfices d’une enseignement précoce et intensif de l’allemand et du luxembourgeois mais de comparer des situations comparables.
Depuis 1945 puis 1972, date à la laquelle elle a été sortie de l’Académie de Strasbourg pour être rattachée à celle de Nancy, la Moselle a vu son bilinguisme séculaire s’altérer inexorablement en raison notamment de la politique du rectorat et de la passivité de la majorité des élus jusqu’à devenir quasi inexistant dans les jeunes générations, leur faisant rater l’opportunité de l’ouverture immédiate et naturelle sur l’Europe.
La convention signée en juillet est un concentré de déclarations générales et de vœux pieux à l’image de la politique au rabais du rectorat. Elle n’a aucune ambition véritable. En jouant le jeu perfide de l’Académie de Nancy-Metz qui veut imposer en Moselle son concept de « langue du voisin » débarrassé de toute dimension régionale et historique, Jean Rottner et Nicole Muller Becker, sa vice-présidente chargée du multilinguisme, ont fait la preuve que le Grand Est n’est pas le moyen d’étendre les bonnes pratiques mais qu’il maintient des iniquités dans l’inefficacité et l’augmentation de la dépense. Jean Rottner nous montre un visage pour amadouer les Alsaciens en leur maintenant quelques avantages dans l’espoir, pourtant vain, de revenir dans leurs bonnes grâces et un autre visage dès qu’il a passé le col de Saverne. Avec cette convention-cadre, Rottner et Muller-Becker flouent les Mosellans et proposent un miroir aux alouettes aux autres Lorrains. Nous espérons que les élections régionales de 2021 verront la victoire d’une autre majorité qui dénoncera cette convention et en adoptera une autre plus conforme à l’identité et aux besoins de la Moselle.
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