Le gouvernement a prévu que les étudiants de licence professionnelle, et à terme de licence générale, DUT et BTS, devront apporter la preuve d’une certification en anglais pour obtenir leur diplôme (cf. projet de loi de Finance de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, 26 septembre 2019).

Le texte d’application a déjà été publié pour les licences professionnelles (arrêté du 6 décembre 2019 portant réforme de la licence professionnelle dont l’article 12 dispose : « La délivrance du diplôme est subordonnée à la présentation d’au moins une certification en langue anglaise faisant l’objet d’une évaluation externe et reconnue au niveauinternational et par le monde socioéconomique. »

Ces nouvelles orientations inciteront nécessairement les étudiants à étudier en priorité l’anglais et donc à se détourner de l’apprentissage d’autres langues vivantes dont l’allemand; en effet, la plupart des licences de l’enseignement supérieur intègrent l’apprentissage d’une seule langue vivante.

Ce projet a même suscité une réaction défavorable de la Société des Anglicistes de l’Enseignement Supérieur qui souligne que l’exclusivité de l’anglais risque de se traduire à terme par une disparition des autres langues au sein des universités contraire à l’esprit de plurilinguisme préconisé par le Conseil de l’Europe et que le choix de tests sous forme de questionnaires à choix multiples va entraîner une régression qualitative de l’enseignement des langues à l’université en privilégiant un bachotage stérile en anglais.

D’aucun invoque la peur des professeurs d’anglais de l’enseignement supérieur d’un report massif des étudiants sur les cours d’anglais qui exigerait l’ouverture de nouveaux cours et donc un gros surcroît de travail.  D’autres font valoir qu’il s’agit là d’un cadeau fait aux sociétés privées qui commercialisent les tests comme le TOEFL et aux écoles de langues privées, car les établissements d’enseignement supérieur ne seront pas en mesure de faire face à la demande ; il s’agirait d’une privatisation déguisée de cette certification linguistique.

Pour sa part, l’Association pour le développement de l’enseignement de l’allemand en France (ADEAF), a brillé par son silence…

Cette obligation risque également d‘avoir des incidences en amont de l’enseignement supérieur, au moment du choix de la première langue et surtout de l‘abandon par certains élèves de la deuxième langue après la seconde.

En tout état de cause, ce projet est totalement contreproductif dans le cas de la Moselle et de l’Alsace alors que depuis des décennies, on s’efforce de renforcer l’apprentissage de l’allemand. Il va totalement à l’encontre des objectifs du Traité d’Aix la Chapelle dont on voit qu’il n’est qu’esbroufe et bonnes intentions de nos gouvernants.

Des universitaires de l’Université de Lorraine à Metz et des associations sont intervenus auprès de parlementaires et de ministres pour dénoncer cette certification obligatoire en anglais. Il y a notamment eu des interventions du sénateur François Grosdidier auprès du ministre de l’éducation et de Céleste Lett, maire de Sarreguemines et ancien député, auprès du premier ministre. Le député alsacien Eric Straumann a posé une question écrite au gouvernement. Notre parti s’est mobilisé auprès des députés de Corse et de Bretagne rattachés à la fédération Région & Peuples Solidaires et à d’autres députés du Groupe parlementaire « Liberté et Territoires ». La Fédération des langues régionales germaniques de France en Alsace, Moselle germanophone et Flandre a écrit aux présidents des conseils départementaux et aux parlementaires alsaciens ainsi qu’au gouvernement du Land de Bade-Wurtemberg. L’Association Alsace+Moselle a pour sa part écrit aux députés mosellans qui n’avaient pas été contactés directement par les universitaires mosellans mobilisés et au député alsacien Patrick Hetzel. Seul le député de Forbach, Christophe Arend, leur a répondu. Sa réponse peut être consultée sur la page Facebook de l’association Alsace+Moselle. Cette réponse ne nous a pas convaincu.

Il ne s’agit pas de mettre en concurrence l’anglais et les autres langues. Il s’agit de tenir compte de réalités locales, de besoins économiques spécifiques à notre région et de ne pas nier l’effet pervers du projet gouvernemental.

D’ailleurs, le problème ne se poserait pas si l’offre d’enseignement bilingue à parité horaire français-allemand langue régionale était généralisée en Moselle de la maternelle au baccalauréat. Tous les élèves qui choisiraient cette voie apprendraient l’anglais dès le CE2 et l’étudieraient jusqu’au bac et l’allemand étant langue d’enseignement durant toute la scolarité parallèlement au français, il n’y aurait aucune concurrence entre allemand, langue régionale d’enseignement, et anglais, langue étrangère étudiée.

Cette lubie de certification obligatoire touche à la problématique plus vaste de l’enseignement désastreux des langues en France et du niveau exécrablede la majorité des Français.

Rappelons quelques évidences :

– l’acquisition des langues peut se faire sans le moindre effort et avecune efficacité maximale dès le plus jeune âge (crèche et maternelle), ycompris en immersion complète (interdite actuellement par la loi dans l’enseignement
public) ;

–  faire enseigner les langues vivantes en primaire par des professeurs des écoles non linguistes est une aberration. Des cours de langues doivent être dispensés par des linguistes,  des professeurs de langues, même dans l’enseignementélémentaire ! Un professeur de langue pourrait s’occuper de plusieursclasses à tour de rôle et cela permettrait de libérer un créneau horaire pour le professeur des écoles en charge de la classe, par exemple pour assurer des cours de soutien ou des cours de niveau en français ou en mathématiques à des élèves d’autres classes. 

– A tous les niveaux de l’enseignement, il conviendrait d’engager desassistants locuteurs natifs pour seconder les professeurs de langue et assurer des séances de pratique orale.

– Une autre aberration française : les chaînes de télévision du service public persistent à doubler les films, séries et documentaires étrangers ainsi que les interviews en langues étrangères diffusés en différé dans le cadre des journaux télévisés (ou de documentaires) au lieu de les sous-titrer.On prive ainsi les gens de possibilités d’entendre des locuteurs natifs, d’améliorer. La compréhension orale et de se familiariser avec les différents accents.  Le sous-titrage est la règle aux Pays-Bas ou dans les pays nordiques et les résultats sont là.